L’expression animaux non humains est utilisée par certains philosophes, chroniqueurs, pamphlétaires, blogueurs, etc., animalistes antispécistes et par la mouvance végane. Les autres, les gens ordinaires, vous et moi se contentent de parler d’animaux, étant entendu que les gens ordinaires, vous et moi ne se considèrent pas comme des animaux bien qu’ils ne feraient aucune difficulté pour reconnaître que leur espèce fait partie du règne animal. L’expression sonne comme une redondance puisque dans le langage ordinaire dire d’un être vivant qu’il est animal implique qu’il n’est pas un humain et réciproquement dire qu’il est un humain implique qu’il n’est pas un animal !
C’est précisément cela que refusent les antispécistes. Pour eux les hommes sont des animaux parmi d’autres et il n’y a pas lieu de privilégier leur espèce, notre espèce lorsqu’il s’agit d’appliquer le principe d’égale considération des intérêts et notamment l’intérêt à vivre et à ne pas souffrir. Pour contrer notre spécisme spontané, il faut ramener l’humain à sa condition animale et faire de lui un animal parmi d’autres, à défaut d’en être un comme les autres. D’où l’expression « animal non humain » qui suppose pour faire sens l’expression opposée « animal humain ». Or dans le langage ordinaire cette expression « animal humain » n’a pas de sens. C’est une contradiction dans les termes : « animal humain » est un non sens comme « carré rond », puisque humain = non animal et animal = non humain !
L’expression « animal non humain » ne peut recevoir de sens que dans l’opposition « animal humain /animal non humain » et dans cette opposition « animal humain » est le terme marqué c’est-à-dire que l’expression « animaux non humains » réfère à un ensemble d’animaux non spécifiés et simplement caractérisés par opposition aux «animaux humains». Comme cette dernière notion est un non sens, la notion « animal non humain » qui prend son sens par rapport à elle est, elle aussi, un non sens. Pire donc que redondante, l’expression est absurde. En toute rigueur il n’y a dans le monde pas plus d’animal humain que d’animal non humain, que de carré rond !
Pourquoi cette conclusion peut-elle paraître contre-intuitive ? Simplement parce que on peut donner au terme « animal » dans les expressions en cause un autre sens que le sens ordinaire qu’il a l’air d’avoir, sens ordinaire qui exclut l’homme. Il ne renverrait pas à un fatras d’espèces à l’exception de l’humaine. Il ne serait pas synonyme de « bête », c’est-à-dire de « tout être vivant couramment perçu comme un animal, à l’exception de l’homme » selon la définition de la dernière édition du dictionnaire de l’Académie française. Il renverrait pour partie à un règne biologique, le règne animal traditionnellement opposé à celui des végétaux dans la classification linnéenne qui de deux règnes a évolué depuis en six voire sept règnes. Pour partie car les éponges, par exemple qui pour la taxinomie scientifique appartiennent au règne animal ne seraient pas considérées comme des animaux pour la plupart des antispécistes.
Admettons cette interprétation plus charitable ! Néanmoins, il reste difficile de savoir avec précision ce qui est retenu du règne animal des biologistes par les antispécistes. Les animaux au sens des antispécistes ne se définissent pas par conditions nécessaires et suffisantes mais par type (ou prototype), par exemple « chien et tout ce qui y ressemble » avec quantité de cas limites et incertains ! Le prédicat «être sujet d’une vie » de Tom Regan bien que défini en termes de CNS fonctionne en fait comme s’il était défini par type et détermine assez bien ce que les antispécistes et autres végans considèrent comme animal.
Ce n’est donc pas à un règne de la taxinomie scientifique que l’on a affaire ici mais au mieux à un genre d’une taxinomie populaire. D’ailleurs le dictionnaire de l’Académie dans sa 8e édition (1935) illustrait cette notion de genre par l’exemple suivant : « Sous le genre animal, il y a deux espèces comprises, celle de l’homme, celle de la bête » (p. 594) La « bête » désigne donc tous les animaux qui ne sont pas humains, donc les « animaux non humains » des antispécistes !
Dans cette interprétation charitable, non seulement les « animaux non humains » des antispécistes ne sont rien d’autre que ce qu’on appelle des bêtes en bon français mais il y a pire pour les antispécistes. Comme mentionné plus haut, l’expression « animal non humain » reçoit son sens dans son opposition avec «animal humain » et non l’inverse. Pour bien le comprendre considérons l’opposition «animaux lagomorphes»/« animaux non lagomorphes». L’humain appartiendra à cette dernière catégorie seulement parce qu’il n’est pas lagomorphe. On fait donc des lagomorphes une classe à part et on la distingue de toutes les autres rejetées dans l’indistinction de tous ceux qui ne sont pas lagomorphes.
Le « spécisme » de l’opposition «hommes»/« animaux » que les anti-spécistes répudient de leur langage se retrouve dans celui qu’ils adoptent puisque c’est encore par rapport à l’humain que se caractérise tous les autres animaux en ce qu’ils ne sont pas des humains, seulement en cela et non en ce qu’ils sont des lapins, de chiens, des chats, des éponges, des collemboles etc.... Les antispécistes croyaient avoir chassé ce spécisme par la porte et le voilà qui entre de nouveau et en force par la fenêtre ! Ils réduisent les humains à des animaux tout en les distinguant de tous les autres et en les érigeant en point de référence. Le point de vue reste donc spéciste parce qu’anthropocentré ! L’espèce humaine étant distinguée et les autres espèces laissées sans distinction pêle-mêle dans leur non-humanité.
En résumé, soit l’expression antispéciste « animal non humain » est un non sens, soit ce n’est qu’un synonyme jargonnant de « bête » ! Foin donc de l’antispécisme, vive le non-spécisme !
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